Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes en Europe. Une comparaison impossible ?

27 mars 2025 5 min de lecture
Denis LESIGNE
Directeur Offre Rémunération & Talents

LINKEDIN Lesigne Denis

 

 

Dans son préambule, la directive Européenne 2023/970, « visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes », rappelle que « le droit à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes constitue l’une des valeurs essentielles de l’Union ».

Dans son considérant 15, s’appuyant sur des données d’Eurostat, la directive rappelle que l’écart de rémunération s’élevait en 2020, à 13% en moyenne au sein de l’Union avec des écarts importants entre les Etats membres.

Nous nous sommes interrogés sur ces écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans les différents pays européens et sur leur comparabilité. Existerait-il des Etats “vertueux” et des Etats “modèles,” des politiques à copier ?

Revue des écarts au sein de l’Europe

Les écarts de rémunération[1] entre les femmes et les hommes sont très variables au sein des différents pays européens.
Cet indicateur correspond à la différence entre le salaire horaire brut moyen des hommes et des femmes en pourcentage du salaire horaire brut moyen des hommes.

 

L’écart du salaire entre les femmes et les hommes est ainsi de 17,6% en Allemagne, 12,2% en France, 8,6% au Portugal et 2,2% en Italie.

Le salaire retenu pour ces comparaisons est le salaire horaire brut afin d’annuler les effets “temps de travail”. Pour affiner notre comparaison et mettre en lumière les disparités, nous examinerons ci-dessous plusieurs facteurs clés : le taux d’emploi des femmes, le taux de temps partiel, le pourcentage de femmes aux postes de direction et la dynamique d’évolution de ces écarts.

1. Le taux d’emploi des femmes[2]

 

Écart entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes (rapporté au taux d’emploi des hommes)[3] 

taux emploi des femmes

En 2023, dans l’Union Européenne, 70% des femmes entre 20 et 64 ans occupaient un emploi contre 80% des hommes, soit un écart de 12,4.

On observe des écarts importants entre les pays.

Par exemple, en Italie, en Grèce et en Roumanie le taux d’emploi des femmes est inférieur de plus de 20 points de base à celui des hommes. Ainsi, en Italie, le taux d’emploi des femmes est de 57%, contre 76% pour les hommes. Dans le même temps l’Italie affiche un écart salarial moyen de 2,2% parmi les toutes premières places en Europe. Un écart salariale faible mais au prix de l’exclusion de près d’une femme sur deux du marché du travail.

2. Le travail à temps partiel

Au-delà de l’accès à l’emploi, un facteur majeur des écarts de revenus entre les femmes et les hommes est le temps de travail. La majorité des analyses sur les écarts de rémunération sont réalisées en taux horaire ou en équivalent temps plein afin d’annuler les incidences du temps de travail.

Cette approche statistique permet une comparabilité accrue entre pays mais invisibilise un paramètre majeur des écarts de revenus de carrière qui se retrouvent dans les écarts de pensions à la retraite et dans les écarts de patrimoine.

Au sein de l’Union Européenne le travail à temps partiel représente 17,8% des emplois et concerne 28,5% des femmes contre seulement 8,4% des hommes. Cette prévalence du temps partiel féminin est généralisée dans tout les pays de l’Union, même si le taux d’emploi à temps partiel y est très différent.

 

Un recours au temps partiel très différent d’un pays à l’autre [4]:

 

 

Lecture du graphique : En France, en 2023, le % des emplois à temps partiel tous genres confondus était de 16,6%, pour les hommes de 7,7% et pour les femmes de 25,8%.

On constate que dans les pays d’Europe centrale et orientale, le temps partiel est peu fréquent contrairement aux pays du nord et de l’ouest de l’Europe dans lesquels la proportion des emplois à temps partiel est plus significative. Aux Pays-Bas ou en Suisse, si le taux d’emplois des femmes est parmi les plus élevés d’Europe (80%), ces emplois sont majoritairement à temps partiel (> 60%).

Dans les pays où le temps partiel est répandu (supérieur au 1er quartile, soit plus de 6% des emplois), il concerne, en moyenne, trois fois plus les femmes que les hommes.

3. Le temps de travail partiel « subi »

Pour évaluer plus précisément l’influence du temps partiel sur l’égalité entre les femmes et les hommes, l’étude sur les conditions de travail d’Eurostat apporte des éléments complémentaires.

 % de femmes à temps partiel et temps partiel « non choisis »    

Si l’on met en perspective le pourcentage total de femmes à temps partiel et le caractère volontaire ou subi de cette activité à temps partiel, quatre typologies de pays se dégagent.

Cette qualification d’un choix volontaire ou subi doit être relativisée au regard des offres existantes en matière de garde d’enfants, de congés parentaux et de la culture de chaque pays sur le rôle social de la femme.

Le temps partiel sera déclaré « subi » dans les pays en difficulté pour proposer une offre de garde d’enfants, alors que celle-ci est souhaitée, ou dans des pays ayant institutionnalisé le recours au temps partiel pour des emplois à forte prédominance féminine. Ce sera notamment le cas en Italie, en France ou en Espagne.

À l’opposé, le temps partiel sera déclaré « choisi » dans des pays n’offrant pas plus, voire moins, de solutions de garde, mais dans lesquels cette rareté traduit un choix social et une vision culturelle du rôle de la mère. Ainsi, aux Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne ou en Autriche, la rareté de ces dispositifs est un marqueur culturel.

Quelques pays, en particulier en Europe de l’Est, promeuvent des politiques familiales reposant sur une distinction affirmée du rôle respectif de la mère et du père.

Enfin, certains pays, dont la France, s’inscrivent dans une approche culturelle plus égalitaire et une réglementation moins contraignante pour le travail des mères. Mais encore faudrait-il que celle-ci soit appliquée. En France, l’index égalité professionnelle instauré par la loi de 2017 a permis de mettre en évidence le nombre important d’entreprises déclarant ne pas respecter la réglementation en vigueur[5].

Du point de vue de l’égalité entre les femmes et les hommes, le temps partiel, qu’il soit volontaire ou subi, représente un facteur majeur d’inégalité de revenus d’activité et de retraite, dans la majorité des pays de l’Union.

 

 Facteurs complémentaires 

Nous aurions pu également évoquer le pourcentage des femmes dans les postes de dirigeants et noter que l’Italie et le Luxembourg affichant des taux d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes parmi les plus faibles d’Europe, sont également ceux dans lesquels la représentation féminine dans les instances de direction est la plus faible (respectivement 15% et 7% en 2023).

 

La comparaison des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans les différents pays de l’Union doit être effectuée avec beaucoup de prudence.

Le seul écart de rémunération entre les femmes et les hommes ne suffit pas à mesurer l’égalité des revenus. Un faible taux d’emploi féminin (56 % en Italie, 58 % en Grèce, 65 % en Espagne) peut fausser l’analyse.

De même, dans les pays d’Europe occidentale, l’indicateur d’écart de revenus est biaisé dès lors qu’il annule l’effet du travail à temps partiel, (63% au Pays-Bas, 60% en Suisse, 50% en Autriche), toujours très majoritairement féminin.

La comparaison des écarts de rémunération ne peut s’effectuer en omettant la réalité de l’accès des femmes à l’emploi, très variable en Europe, et résultant, soit, de politiques familiales plus conservatrices, soit d’une culture du rôle des femmes dans la sphère sociale.

Il y a probablement des exemples de politiques dont nous pourrions nous inspirer et notamment dans les pays où les écarts ont été le plus fortement réduits ces dernières années car ils sont parfois révélateurs d’une prise de conscience sociale ayant servi de terreau au changement.

[1] : Source “Eurostat – Gender pay gap in unadjusted form” Données 2023 sauf (1) données 2022. Cet indicateur correspond à la différence entre le salaire horaire brut moyen des hommes et des femmes en pourcentage du salaire horaire brut moyen des hommes. 

[2] : Le taux d’emploi par genre est calculé en divisant le nombre personnes d’un genre donné âgés de 20 à 64 ans ayant un emploi par la population totale du même genre et du même groupe d’âge.

[3] : Source : Eurostat – Employment rate by sex 2023. L’ordre des pays a été conservé par rapport au graphique relatif aux écart de rémunération entre les femmes et les hommes.

[4] : Source : Eurostat données 2023

[5] : En 2019, parmi les sociétés, de 250 à 1000 salariés, ayant publiés leur index « égalité professionnelle », 16% d’entre elles n’ont pas obtenu de point à l’indicateur n°4 relatif aux femmes en retour de congés de maternité. Elles étaient encore près de 5% en 2023.
Source : Ministère du travail

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